La vie liquide, une quête d’identité
La vie liquide succède-t-elle aux vies solides?
Vous souvenez-vous d’une époque où les destins étaient davantage tracés ? Où les questions existentielles trouvaient réponse dans la structure même de la société et de ses corps sociaux.
L’école vous mettait sur le chemin d’un métier dont vous ne changeriez pas ou peu. L’état s’occupait d’assurer l’accès à vos droits fondamentaux – dont la sécurité – en échange de votre citoyenneté. La religion vous indiquait la voie à suivre pour mener une bonne vie. Ici les classes sociales vous maintenaient dans un périmètre culturel ou économique. Ailleurs, les castes vous signifiaient quelles activités et quelles accointances vous étaient permises.
Tout cela rendait désirable comme utopique, l’espoir d’un avenir pour soi différent de celui qui est déjà tracé. Et permettait tout autant de savoir s’orienter puisqu’il y avait des repères communs, pérennes et reconnus comme tels.
Puisque je ne peux pas devenir autre ce que à quoi l’on m’assigne, je n’ai pas à me demander quelle profession choisir, ni quelle opinion donner, ni encore à chercher parmi tant de possibles mon ou ma partenaire de vie.
En terrain mouvant
Et depuis ? Avez-vous l’impression d’avoir plus de choix ? Et plus de questions existentielles ? Zygmunt Bauman, sociologue polonais et britannique, nous propose une perspective sur les mécanismes à l’œuvre dans le monde actuel. Il ne s’agit plus de solidité, mais de liquidité. Nous serions passés du règne de la certitude et de la pérennité au règne des fluctuations et de l’obsolescence. L’ouvrage La vie liquide, au sens où l’entend Z. Bauman, décrit la vie de la société de consommation. Ainsi de nos jours, la consommation mènerait la danse.
Ce que nous consommons définirait qui nous sommes. Notre capacité à consommer déterminerait si nous avons le droit de faire partie de la société ou si nous en sommes exclus. Vous trouvez ça révoltant? Et pourtant… nous nous abreuvons au quotidien à la fontaine de la société de consommation. Vous avez sans doute en tête des exemples d’exclusion de la vie sociale par défaut de consommation. Savons-nous encore vivre sans consommer? Zygmunt Bauman avance que l’homme serait devenu un consommacteur : lui-même un produit de la consommation. Or cette société de consommation se sert de l’éphémère comme carburant. Alors si, par un raccourci, l’éphémère définit ce que je consomme. Et qu’alors ma consommation me définit… mes repères identitaires sont sans cesse bousculés. Je me retrouve en terrain mouvant. Qui suis-je aujourd’hui? Et qui étais-je hier? Qui serai-je demain? Tout dépend de ce que j’ai consommé… Effrayant.
Consommacteur
Ici peut-être se rejoignent Hartmut Rosa et Zygmunt Bauman dans ce qu’ils perçoivent de notre société. L’un parle d’accélération, l’autre d’obsolescence.
La théorie de l’accélération soutient que la société moderne ne peut se stabiliser que de manière dynamique. Autrement dit, en l’absence de croissance économique, d’accélération technique et d’innovation culturelle, la société moderne ne peut se maintenir. Elle ne peut que s’effondrer.
La société moderne, liquide, reflète cette nouvelle norme. Tout nouveau produit est rapidement remplacé par un autre, qui lui-même devient alors obsolète dans une course effrénée vers l’atteinte d’une promesse cent fois renouvelée, toujours partiellement tenue. Il faut bien continuer à nourrir la société de consommation!
Car quel intérêt que de répondre de manière durable à un besoin ? Ou plutôt, qu’y aurait-il à perdre à miser sur la pérennité ?
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